Céline Drouin (photographe Patricia Deschamps)

Balado avec Céline Drouin


Céline Drouin, passionnée par l’éducation et l’édition, a enseigné pendant 18 ans dans l’Est ontarien. Par la suite, elle a rejoint le Centre franco, où elle a occupé divers postes, dont conseillère pédagogique, réviseure pédagogique, gestionnaire de projets et directrice du service Formation professionnelle.

Tout le long de son parcours, elle s’est investie dans les compétences transférables et à l’impact des technologies en salle de classe. Aujourd’hui, elle travaille comme consultante en éducation.

Photographe : Patricia Deschamps


1re partie du balado avec Céline Drouin

Transcription

Louis : Bienvenue aux Conversations pédagogiques avec des passionnés. Initiée par le Centre franco, cette série de rencontres nous présente des professionnels de l’Ontario français qui excellent en éducation.

[musique]

Merci, Céline Drouin, d’avoir accepté de participer aux Conversations des passionnés. J’ai déjà une petite question pour toi. Parle-moi de ton parcours professionnel.

Céline Drouin : Bonjour! D’abord, Louis. Merci de l’invitation. Mon parcours professionnel, tout d’abord, il faut que je parle de l’enseignement. C’est ce que j’ai fait pendant les 18 premières années de ma carrière au cycle intermédiaire, dans l’Est ontarien. Je suis toujours fière de parler de ce bout-là de mon parcours parce que je pense, encore aujourd’hui, que c’est ce que j’ai fait de plus intense, de plus vrai, de plus significatif dans ma carrière. Je garde d’excellents souvenirs de mes élèves, de mes collègues, puis encore aujourd’hui, j’ai un grand respect pour tous les enseignants qui travaillent sur le terrain.

Louis : Après l’école?

Céline : Après l’école, je pense que mon parcours pourrait se résumer en deux mots : édition et développement professionnel. La deuxième partie de ma carrière s’est passée au Centre franco, qui est en partie une maison d’édition scolaire. J’ai travaillé beaucoup dans le domaine de l’édition, fait tellement d’apprentissages dans ce milieu-là. Ça demande une rigueur exceptionnelle de faire de l’édition. Ça demande un travail d’équipe aussi, des expertises pointues. Il y a des rédacteurs, des réviseurs, des graphistes, des programmeurs. C’est tout un monde que j’ai découvert dans cette portion-là.

Louis : Je pense que tu as fait partie de l’équipe TacTIC du Centre franco?

Céline : Oui. Ça, c’est la portion où j’ai travaillé en développement professionnel. J’ai été conseillère pédagogique au niveau provincial dans ce parcours-là, ce qui m’a permis de découvrir les 12 conseils scolaires de langue française de la province. Quand on travaille dans son propre conseil, des fois, on n’est pas conscient qu’il y a 11 autres entités, il y a aussi le Centre Jules-Léger, puis que tous ces gens-là sont liés par leur passion pour l’éducation, par la langue.

C’est un bout que j’ai beaucoup apprécié. J’ai terminé ça en beauté avec l’équipe TacTIC, dont tu as fait partie, Louis. On avait comme mandat d’accompagner des enseignants, des directions d’école dans ce qu’on appelait « le virage à l’ère numérique », qui a aussi pris la tendance beaucoup du développement des compétences. Une équipe formidable, comme tu le sais. Je souhaite vraiment à tout le monde de vivre ça dans leur carrière à un moment donné, de travailler dans une équipe comme celle-là. Je ne peux pas dire que c’est ce qui a conclu mon parcours parce qu’encore aujourd’hui je suis consultante.

Louis : Tu continues, je pense?

Céline : Je continue. J’apprends encore tous les jours, je fais ce que j’aime, je fais de la rédaction, de la révision. Parfois, j’agis comme amie critique. Oui, je me considère pas mal chanceuse.

Louis : Si on voulait qualifier ou si on parlait de Céline Drouin, puis on disait deux passions qui te définissent, ça serait quoi?

Céline : Quand je parle de mes passions, je ne peux pas passer la famille sous silence pour commencer, quand je parle de mes passions, parce que c’est ce qui m’a façonnée le plus. Encore aujourd’hui, c’est ce qui m’anime le plus, c’est ce qui prime dans mon horaire. J’ai la chance d’être tellement bien entourée, ça donne un sens à ma vie. Je pense que c’est une passion.

La pédagogie, l’andragogie, si je vais dans un sens plus professionnel, pour moi, c’est une passion : comment on apprend. C’est tellement humain, toujours en évolution : le fonctionnement du cerveau, la connexion des neurones, les stratégies qui s’ajoutent à ça. C’est un sujet sans fond. J’ai encore le sens de l’émerveillement pour la pédagogie, l’andragogie, puis je pense que c’est ça un peu une passion.

Louis : On peut coller à ça des compétences, peut-être? Parce que c’est le sujet aujourd’hui, justement, de notre balado.

[rires]

C’est pour ça que je t’ai invitée à en discuter parce que je sais justement que, dans ton parcours, tu as eu la chance de réfléchir, puis d’aller un petit peu plus loin là-dedans. Justement, ma prochaine question, c’est : quand on regarde, tout le monde parle de compétences, que ce soit dans les médias, que ce soit dans le monde scolaire ou encore les compagnies, et cetera. Tout le monde dit : « Il faut développer ses compétences. » Au ministère de l’Éducation, on parle de compétences transférables. Toi, Céline, si je te posais la question : « Une compétence transférable dont tu es la plus fière ou que tu as su développer au cours des années d’une façon extraordinaire? »

Céline : J’aurais aimé ça te dire l’entrepreneuriat ou la créativité, mais ça ne serait pas vrai.

[rires]

Louis : Okay, alors, on va y aller vrai.

Céline : En réalité, ça serait la communication. Je dirais que je suis tombée dedans quand j’étais jeune. Quand on vient d’une grande famille, quand on est huit à table, il faut faire sa place, il faut communiquer. J’ai aussi des parents qui sont de bons communicateurs, qui ont toujours eu l’amour des mots. J’ai une formation en traduction, qui m’a aussi amenée à communiquer.

J’aime ça communiquer, j’aime beaucoup communiquer à l’écrit. C’est un travail qui n’est jamais terminé, c’est une compétence tellement évolutive. Je peux dire que, si j’avais arrêté d’apprendre, de me développer, aujourd’hui, je ne serais plus une bonne communicatrice parce que ça a tellement évolué. Je pense que, quand on était jeunes, bien communiquer, c’était le vocabulaire, la syntaxe, l’art de la rhétorique. Aujourd’hui, c’est devenu tellement plus, puis ça, il ne faut pas l’oublier avec nos élèves. La composante écoute, la composante faire preuve d’empathie, ça a pris beaucoup de place dans — On met plus l’accent là-dessus quand on parle de communiquer.

Il y a une conscience plus large qui est nécessaire. Aujourd’hui, il faut être conscient de ces biais, des opinions qui sont énoncées. Il faut être conscient des voix qui sont là, mais aussi des voix, des fois, qui ne sont pas représentées. Il y a toute la question de la cybercitoyenneté, la prudence, respecter le contenu des autres, puis le choix des outils numériques. Aujourd’hui, on fait un balado, mais, selon nos besoins, ça aurait pu être une visio, on aurait pu enregistrer une vidéo. C’est juste pour démontrer à quel point, même les compétences qu’on a développées étant jeunes, on n’a jamais fini de les développer.

Louis : Est-ce que ça s’est fait naturellement, chez toi, développer cette compétence de communiquer?

Céline : Je pense qu’au départ, oui, mais qu’en vieillissant il faut être plus intentionnel. J’ai été chanceuse, j’ai baigné dans des milieux qui ont forcé le développement de la communication à l’ère numérique. C’est naturel, mais je pense qu’il faut aussi donner un petit coup de pouce au naturel, des fois.

Louis : Okay. Si on va de l’autre côté, donc la compétence que tu as réussi à développer, que tu continues à développer, ce que j’entends, et à l’inverse, la compétence que tu aurais aimé développer ou encore, que tu trouves que, chez toi, une où c’est plus difficile, tu choisirais laquelle?

Céline : Comme bien des gens de notre génération, je dirais l’apprentissage autonome.

Louis : Oui?

Céline : Oui. J’ai compris tard, dans mon parcours, que j’étais capable de diriger mes apprentissages, de choisir les choses qui m’intéressent, de choisir comment je vais les apprendre, d’observer aussi comment j’apprends. Je ne pense pas que j’étais sensibilisée à ça, j’étais plutôt une apprenante passive. Dans ce temps-là, on rate peut-être des occasions d’apprentissage.

Louis : Dans mon cas, dans mon parcours scolaire, pendant une grande période, je faisais pour les autres. Je faisais les travaux pour le prof, je faisais les travaux pour que mes parents soient fiers. Finalement, comme tu as dit, j’apprenais, mais je n’étais pas la personne qui finalement décidait : « Oui, je veux apprendre. Je veux faire ci, et cetera. » J’étais toujours plus influencé par mon entourage que par mon désir. Est-ce que toi, ça s’est passé comme ça aussi?

Céline : Absolument. On était dans des classes, on se disait : « L’enseignant nous transmet son savoir, donc on suit ça. » On était moins placés dans des contextes, dans des environnements où on avait des décisions à prendre. Heureusement, tout ça a évolué. On peut imaginer la chance ou le pouvoir qu’ont les élèves qui développent aujourd’hui l’apprentissage autonome. Cette compétence-là, je trouve que tu la jumelles à n’importe quelle autre, elle vient la maximiser. C’est un peu comme la sauce Frank’s RedHot des compétences : tu en mets dans n’importe quoi, puis c’est meilleur.

[rires]

Louis : Ça rehausse, justement.

Céline : Ça rehausse, absolument. Oui, c’est ça.

Louis : Est-ce qu’il y a eu un déclencheur, justement, qui a fait que tu as pris conscience de l’importance d’apprendre pour apprendre, ou d’apprendre à apprendre plutôt?

Céline : Je trouve ça fascinant d’être capable d’arrêter, des fois, la machine, puis de dire : « J’apprends mieux dans tel contexte. J’apprends mieux si je suis dans un environnement calme. J’apprends mieux si j’ai tel outil numérique ou simplement j’apprends mieux si je suis debout au lieu d’être toujours assise. On dirait que ça me donne de l’énergie. » Je pense que oui, c’est un déclencheur parce que c’est une révélation pour moi.

Il y a eu toute la portion mentalité de croissance aussi qu’on a vécue avec l’équipe TacTIC. C’était nouveau à ce moment-là. C’est Carol Dweck, qu’on avait découverte à travers une conférence, puis on s’est mis à s’intéresser à ça, à prendre plaisir à apprendre dans une mentalité de croissance, de croire qu’avec de la persévérance puis de bonnes stratégies tous les élèves peuvent apprendre, on peut tous apprendre. Il y avait des messages qui se greffaient à ça, genre, nos erreurs sont intéressantes, sont —

Louis : C’est correct de faire des erreurs.

Céline : C’est ça.

Louis : On apprend avec nos erreurs.

Céline : Tout à fait. Comprendre aussi réinvestir la rétroaction. On a travaillé ça beaucoup comme équipe, puis c’est des notions, je trouve, qui viennent se distinguer de ce qu’on a connu, nous. On avait tendance, quand on était plus jeunes, à taire nos incompréhensions, à craindre l’échec. Même, des fois, choisir des tâches plus faciles pour éviter l’effort et l’échec, à penser, des fois, que le succès des autres nous enlevait quelque chose. Toute cette tendance-là de la mentalité de croissance est venue teinter beaucoup tout ce que j’ai fait par la suite.

Louis : Justement, si on regarde les compétences, est-ce qu’il y a, aujourd’hui, des mythes qu’on devrait déboulonner? C’était le verbe que je voulais utiliser aujourd’hui : déboulonner.

[rires]

Céline : Peut-être que les compétences sont innées. Il y a des gens qui naissent avec telle compétence, qu’on ne peut pas —

Louis : Les développer?

Céline : — les développer. Ça, je pense que c’est un mythe. C’est certain que, des fois, on a des aptitudes, mais il faut se donner comme défi de développer l’ensemble des compétences. On dit que les compétences se développent les unes avec les autres. Elles sont indissociables parce que, quand on communique, on collabore, puis quand on collabore, on développe sa pensée critique, et cetera.

Louis : Peut-être que je me trompe, mais c’est peut-être une tendance, justement, qu’on dit : « Si, par exemple, tu n’es pas bon ou bonne en communication, tu vas le rester toute ta vie. Tu vas t’améliorer, mais tu ne seras jamais — » C’est facile à dire, mais je suis un peu d’accord avec toi quand tu dis : « Non, ça se développe. » Là, je pourrais te parler de ma compétence en sport.

[rires]

Je n’étais pas très sportif quand j’étais jeune. Un jour, j’ai décidé de commencer à courir pour le plaisir et, crois-le ou pas, je me suis retrouvé à courir un demi-marathon. Si tu m’avais dit, à l’âge de 14 ans, que j’étais pour courir un demi-marathon, je t’aurais dit : « Non, tu rêves. Je suis pourri en sport. » Je pense que, justement, les compétences, si on met le contexte, un contexte favorable, c’est certain que tout le monde peut les développer. Ce n’est pas tout le monde qui va les développer au même rythme et ce n’est pas tout le monde qui va peut-être aller au maximum du développement de sa compétence, mais tout le monde peut les développer, je pense. Qu’est-ce que tu penses de ça?

Céline : Je suis entièrement d’accord avec toi. Un élève qui est placé dans un climat favorable, un climat de classe où il se sent en sécurité, où est-ce qu’il sent qu’il peut faire des erreurs, un climat où est-ce qu’il est appelé à travailler en équipe, où est-ce qu’il reçoit de la rétroaction constructive, significative, qu’il est capable de réinvestir, cet élève-là va développer l’ensemble de ses compétences.

Quand on regarde le marché du travail aujourd’hui, c’est ce que les employeurs recherchent. Ils ne recherchent pas des gens qui ont toutes les compétences. Ils recherchent des gens qui sont intéressés à développer leurs compétences, qui ont ce désir-là d’apprendre. Dernièrement, je suis passée par un Tim Hortons, à Brockville, je pense. J’ai été vraiment surprise de voir une grande affiche près du service au volant. C’était en anglais, mais ça disait quelque chose comme : « Ici, nos employés développent les compétences transférables. », comme le vocabulaire du Ministère.

[rires]

J’étais vraiment surprise. J’ai dit : « Coudonc, ils m’attendaient. »

[rires]

Je me suis dit : « Okay. » Pour attirer des jeunes employés, on leur dit : « Viens travailler ici, tu vas développer des compétences qui vont te servir pendant toute ta vie. » Si j’avais une entreprise présentement, que ce serait une entreprise d’entretien ménager, de coiffure ou d’innovation, n’importe quoi, ça serait dans mes affichages de poste. Je chercherais des gens qui sont intéressés à apprendre, à développer leurs compétences, particulièrement l’apprentissage autonome.

[musique]

Louis : C’était la première partie de deux des Conversations pédagogiques avec Céline Drouin. Merci d’avoir écouté, et nous vous rappelons que, pour plus d’informations, vous pouvez communiquer avec le Centre franco à l’adresse courriel suivante : info@lecentrefranco.ca.

[musique]

2e partie du balado avec Céline Drouin

Transcription

Louis : Bienvenue aux conversations pédagogiques avec des passionnés. Initiée par le Centre Franco, cette série de rencontres nous présente des professionnels de l’Ontario français qui excellent en éducation.

[musique]

Cela étant dit, si tu étais une personne enseignante qui débutait sa carrière, qu’est-ce que tu ferais, toi, dans ta classe pour développer les compétences de tes élèves? Parce que là, on a établi que développer ses compétences, c’est important. Si on rattache au monde scolaire, puis on commence dans l’enseignement, Qu’est-ce que tu ferais dans ta classe?

Céline Drouin : Je trouve ça difficile de répondre à cette question-là, Louis, parce que je trouve que les nouveaux enseignants, tu sais, souvent, il faut repenser où on était, il faut penser au contexte dans lequel —

Louis : Aujourd’hui, oui.

Céline : — les nouveaux enseignants œuvrent aujourd’hui, absolument. Ils sont admirables parce que c’est tellement grand commencer à enseigner. Il y a beaucoup d’attentes, il y en a toujours eu. Il y a les élèves, il y a les parents, il y a les programmes-cadres et tout ça. Je ne voudrais surtout pas mettre davantage de pression sur ces nouveaux enseignants-là, mais je pense que les compétences sont réellement une valeur sûre.

Sans compliquer les choses, on peut se faire confiance comme nouvel enseignant, puis se dire : « Si je place mes élèves dans des tâches qui sont significatives et authentiques, qui ressemblent à la vraie vie, qui sont pensées pour un auditoire réel. Il va avoir quelqu’un, à la fin, quelqu’un d’autre que l’enseignant ou l’enseignante qui va regarder mon travail, qui va l’apprécier. » Si on les place dans des environnements où est-ce qu’ils ont accès à de la technologie, où est-ce qu’ils peuvent développer des passions aussi, ces élèves-là ont de très bonnes chances de développer des compétences.

Il ne faut pas les lancer dans des projets sans but, ça, c’est certain. Je reviens avec le terme intentionnel. C’est le fun d’en parler avec les élèves, qu’est-ce qu’on est en train de faire? Penses-tu de développer ta créativité dans ce projet-là? Explique-moi pourquoi.

Un enseignant, c’est un peu comme un capteur d’occasions.

Louis : Attends une minute-là, un capteur d’occasions, je trouve ça beau. Ça veut dire d’être conscient de qu’est-ce qui se passe dans ta classe, puis de donner des ailes finalement.

Céline : Oui, de saisir les occasions. On le sait, on apprend beaucoup par les émotions, par le cœur. Les événements qui nous marquent, c’est là où on apprend le plus. Un enseignant qui est capteur d’occasions, il va prendre une situation comme, je ne sais pas, un conflit qui s’est passé dans la cour d’école, puis là, il va penser : « Quelle belle occasion de développer l’intelligence émotionnelle chez mes élèves, de voir qu’est-ce qui s’est passé, quelles sont les émotions que ça a suscitées? Comment est-ce qu’on a géré ces émotions-là? Est-ce que quelqu’un qui a agi comme un leader peut être dans la situation? » Tu vois une situation qui peut paraître toute banale, mais le fait qu’on s’arrête, qu’on est intentionnel, qu’on met des mots, qu’on en parle avec nos élèves, ça peut certainement créer un contexte où l’on développe des compétences.

Louis : D’être conscient aussi parce que, quand j’entends ce que tu dis, ça me dit d’être conscient que je peux cheminer avec mes élèves, puis que je n’ai pas toutes les réponses et que, moi aussi, tantôt tu parlais de mentalité de croissance; moi aussi, je peux essayer des choses, même si je ne suis pas 100 % certain du résultat, mais j’ai une bonne idée. Puis, d’être conscient, je trouve que ça donne, justement, la chance à mes élèves de développer certaines de leurs compétences. Je pense que c’est ça. Quand tu as dit tantôt développer ses passions, moi, je suis convaincu, puis je n’ai pas lu de grandes études scientifiques là-dessus, mais, si on permet à une personne d’être passionnée, veut veut pas, la personne va se développer, puis, quand elle se développe, j’imagine que certaines de ses compétences vont se développer. Je pense que c’est peut-être le fruit de ce passage dans différentes classes qui va faire en sorte que, peut-être que je vais développer différentes compétences. C’est parce que toi, si tu étais très bonne en communication, j’imagine que ça va influencer directement tes élèves. Moi, si de mon côté, c’est la pensée critique, même si on les développe un peu toutes en même temps, moi, peut-être que je vais mettre l’accent un petit peu plus sur la pensée critique parce que, moi, je trouve ça super important, qui va faire en sorte qu’à la fin du parcours, peut-être que l’élève va se retrouver avec un bagage riche de par ses expériences.

Céline : Oui, tout à fait. L’enseignement, c’est un travail d’équipe. Quand on regarde le parcours d’un élève, chaque enseignant a apporté quelque chose, l’a aidé à se préparer pour le monde. Je ne dirais pas le monde qui les attend, je dirais le monde dans lequel ils vivent déjà.

Louis : Aujourd’hui.

Céline : Aujourd’hui, oui. Des fois, on dit des choses, on entend souvent dire qu’il faut préparer les jeunes pour le monde de demain, puis il faut les aider à s’intégrer au monde qui les attend, mais ça va plus loin que ça. On pourrait dire qu’il faut les préparer à créer le monde qu’ils méritent, le monde qu’ils vont créer eux-mêmes.

Louis : Il faut répéter ça parce que c’est beau ça.

[rires]

Céline : Je ne sais pas si je peux le répéter. Je dirais que, les jeunes, ils peuvent faire plus que s’intégrer à ce qui existe déjà.

Louis : Oui. Moi, j’ai toujours dit que tes élèves vont aller aussi loin que tu veux les amener. Moi, je pense qu’on parle de compétences, puis je pense que j’étais en train d’en développer une qui s’appelle l’écoute.

Céline : C’est bon ça, Louis. Moi, j’ai beaucoup parlé.

Louis : Non, mais pour m’assurer que je saisis bien ce que tu dis.

Peut-être une autre question qui dirait : « Okay, mais chez le prof, là, justement, pour être conscient de ce qui se passe, puis, je n’aime pas dire un conseil, mais si je voulais commencer, je ferais quoi au début? Je ferais quoi au début dans ma classe? Je me retrouve en septembre, c’est une nouvelle classe, c’est un nouveau groupe.

Céline : J’apprendrais à connaître mes élèves, c’est la première chose. Tu sais, ça a l’air un peu cliché, on dit souvent ça, les profils d’élèves. Ça peut paraître mécanique, tu sais créer tes profils d’élèves, mais, si tu y vas avec le cœur, puis, tu sais, des enseignants, on les aime nos élèves, on sait celui qui — La fille dans notre classe qui aime jouer au hockey ou l’autre élève qui rêve de partir son entreprise ou celui qui veut faire du théâtre. Tu sais, on vient qu’on les connaît ces élèves-là, puis il faut se donner du temps au début, pas juste en début d’année. Il faut, toute l’année, prendre le temps de bien connaître nos élèves, puis de s’intéresser réellement à eux.

Louis : Dans un autre ordre d’idées, une ressource à partager que tu voudrais proposer aux gens, à ceux et celles qui nous écoutent, ça serait quoi?

Céline : Savais-tu, Louis, qu’en Ontario français on a un super magazine, un webzine parce qu’il est maintenant entièrement numérique? C’est un magazine pédagogique en ligne qui est conçu précisément pour les enseignants, les enseignantes, les conseillers pédagogiques, les directions d’école de nos 12 conseils scolaires de langue française de la province. C’est le magazine éduco. Vous pouvez le retrouver facilement en ligne. C’est un magazine où est-ce qu’on parle de nouvelles tendances en éducation, de recherche, mais on essaie d’amener ça à la salle de classe. Tu sais de vraiment s’accrocher à des stratégies, des conseils, des ressources qui sont très pratiques. Que vous soyez un conseiller pédagogique qui veut développer l’équité et l’inclusion, par exemple, ou une direction d’école, des fois, qui cherche des idées pour animer une rencontre du personnel, un enseignant qui aimerait faire des tentatives avec la classe nature, vous allez trouver beaucoup d’idées dans ce magazine-là, qui n’est pas très long non plus à consulter. Je vous invite à le voir.

Louis : Je réponds à ta question « Savais-tu…? ». Oui, je le savais. Parce que c’est une excellente ressource.

Céline : Oui?

Louis : Effectivement.

Céline : Super!

Louis : Peut-être une autre, peut-être plus d’ordre personnel, qui t’a fascinée ou qui te parle présentement. Ça pourrait être dans n’importe quel domaine, pas nécessairement en éducation, ça serait quoi?

Céline : Je vais parler d’un roman qui s’intitule Tout le bleu du ciel. Parce que ça n’a rien à voir — Ce n’est pas vrai que ça n’a rien à voir avec l’éducation, parce que tout a à voir avec l’éducation, mais c’est un roman qui fait du bien à l’âme. C’est écrit par Mélissa Da Costa. Une belle belle histoire, un voyage réel, mais aussi un voyage intérieur. Allez lire ça, c’est tellement beau. C’est tout ce que je vais dire.

Louis : Excellent! On arrive maintenant à la portion qui s’appelle En rafale. Je te dis un mot, puis tu me dis à quoi ça te fait penser ou encore —

Céline : Juste comme ça.

Louis : Juste comme ça. Le premier, ça serait… si je te dis la pensée critique?

Céline : La pensée critique, je dirais tout de suite « réseaux sociaux ». Il y a des choses qu’on voit sur les réseaux sociaux qui nous atteignent, qui font mal à certaines personnes, qui blessent. On a tellement besoin de cette pensée critique-là aujourd’hui pour bien gérer. Il y a beaucoup de choses à gérer pour nos jeunes. La pensée critique, c’est un outil essentiel.

Louis : Merci. Si je te disais : « Si tu avais une baguette magique…? »

Céline : J’aiderais les nouveaux enseignants. Je trouve tellement que le nouveau personnel enseignant, il y a des enjeux qui sont particuliers, que je pense que nous, on n’a pas connus. J’ai comme une impression que c’est plus intense encore, puis qu’ils ont besoin de mentors, ils ont besoin de soutien, ils ont besoin d’être écoutés. C’est ce que je ferais avec ma baguette magique.

Louis : Un modèle que tu as eu, qui t’a permis de te développer ou de développer tes compétences, ça serait qui?

Céline : Je pourrais nommer bien des gens que j’ai connus dans mon parcours, mais je vais aller ailleurs. Je vais dire ma mère parce que ma mère, c’est une gestionnaire de projets incroyables.

Louis : [rires]

Céline : [rires] Je pense que c’est de là que j’ai pris certaines habiletés de gestion parce qu’elle gérait un budget, elle gérait des menus, elle répartissait les tâches parmi ses enfants, elle nous écoutait. Elle était plus à la maison que mon père, qui travaillait à l’extérieur, mais je trouve que c’est une grande grande influence. J’ai le bonheur de l’avoir encore dans ma vie; donc, une belle influence dans ma vie.

Louis : Il en reste deux. La prochaine, c’est « Si tu avais 15 ans…? » Peut-être que je serais —

Céline : Je dois compléter?

Louis : Si tu avais 15 ans, trois petits points.

Céline : Je me ferais davantage confiance. Je pense que j’ai raté de belles occasions dans ma vie, des rencontres, peut-être des petits emplois que j’aurais pu avoir, des connaissances que j’aurais pu acquérir parce que je manquais de confiance. Si je me voyais à 15 ans, je me dirais : « Fonce, tu es capable. »

Louis : Vas-y!

Céline : Oui, vas-y!

Louis : Vas-y. La dernière, une question que tu aurais aimé que je te pose aujourd’hui, dans notre balado?

Céline : Je trouve que tu as posé les bonnes questions, Louis. Une autre question que tu aurais pu me poser — Je n’en vois pas.

Louis : Okay, c’est parfait.

Céline : Moi, je peux t’en poser une?

Louis : Oui. [rires]

Céline : C’est ton idée, Louis, ce balado-là?

Louis : Tu sais comment ça fonctionne dans la vie. Un jour, j’ai participé à un balado, et je trouve qu’il faut varier les formes de développement professionnel, et je trouve qu’on a des gens fantastiques en éducation en Ontario français. Ça vaut la peine d’aller vibrer avec les passions de ces gens-là. Non, pour répondre à ta question, c’est une petite portion. On est inspirés par plein de monde, plein d’événements —

Céline : Je peux te dire que, de mon côté du micro, c’était super agréable parce que c’était autant professionnel que personnel, on a de la place pour s’exprimer autant comme personne que comme professionnelle. J’ai bien apprécié.

Louis : À titre, parce qu’on est déjà arrivés à la fin, Céline, je trouve que tu as presque dit la conclusion avant que ce soit terminé. Je te dirais : « Qu’est-ce que tu dirais en conclusion de ce moment qu’on vient de vivre ensemble? »

Céline : Si je peux clore avec une idée sur les compétences, je dirais qu’il ne faut pas rendre le développement des compétences plus complexe que ce qu’il est. Apprenez à connaître vos élèves, leurs passions, leurs intérêts. Mettez-les dans des contextes de projets, de tâches authentiques. Mettez-les peut-être en relation avec la communauté. Intégrez la technologie, si c’est possible pour vous de le faire. Regardez-les aller, ils vont les développer, ces compétences-là qui vont être tellement utiles. Les connaissances sont accessibles partout de nos jours. Il faut vraiment que l’école serve aussi à développer les compétences.

Louis : C’était une conversation pédagogique et autre avec Céline Drouin. Merci, Céline, et à la prochaine!

Céline : Merci à toi, Louis. À bientôt!

[musique]

Louis : Pour en savoir plus sur les compétences transférables, je vous invite à télécharger la nouvelle mouture du document qui se retrouve sur le site du Centre franco. En plus, les dernières parutions du webzine éduco peuvent être consultées également sur le même site. Enfin, nous vous rappelons que vous pouvez communiquer avec le Centre franco à l’adresse courriel suivante : info@lecentrefranco.ca.

[musique]