Annick Morrin

À la rencontre d’Annick Morin – La santé mentale, une responsabilité partagée en milieu éducatif!


Épisode 15

Annick Morin est leader en santé mentale au Conseil scolaire catholique Franco-Nord depuis 2013. Avec plus de vingt-cinq années d’expérience dans le domaine de la santé mentale comme superviseure clinique, psychothérapeute et psychométricienne, Annick a travaillé avec les enfants, les adultes, les couples et les familles, ainsi qu’avec des personnes ayant subi des blessures crâniennes, autant au public qu’au privé.

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1re partie du balado

Transcription

Annick Morin : Pour certaines personnes, c’est très naturel. Peut-être dans la façon qu’on a grandi avec nos parents, peut-être dans des cours qu’on a pris, des spécialités qu’on a étudiées ou des livres qu’on a lus. D’autres personnes ont le cœur, mais ne savent pas le comment, ce qui est complètement normal parce que, des fois, on n’a pas toujours été dans des situations où l’on a eu à faire ça.

[musique]

Louis Houle : Bienvenue aux Conversations pédagogiques avec des passionnés! Initiée par le Centre franco, cette série de balados nous présente des professionnels qui excellent en éducation. J’ai le plaisir de vous présenter Annick Morin, une passionnée en santé mentale, toujours en quête de nouvelles façons de façonner un monde meilleur. Diplômée en psychologie et en sociologie, elle joint, en 2013, le Conseil scolaire catholique Franco-Nord à titre de leader en santé mentale.

Aujourd’hui, elle supervise l’équipe des travailleuses sociales ainsi que les conseillères en assiduité et jeunesse, tout en contribuant à la planification stratégique du conseil. Accueillons ensemble Annick Morin.

[musique]

C’est avec joie aujourd’hui que je me retrouve avec Annick Morin. Aujourd’hui, je suis très content parce qu’on va parler de plein de sujets, entre autres la santé mentale. Merci, Annick, d’avoir accepté de participer à ce balado aujourd’hui.

Annick : Merci, ça me fait plaisir. Quand j’ai la chance de parler de santé mentale, peu importe quelle question, c’est un domaine que je trouve super important. Je suis vraiment contente d’être ici.

Louis : Justement, on va commencer ça avec la première question. Pourquoi est-ce que c’est important, justement, de s’intéresser à la santé mentale?

Annick : Je dirais qu’il y aurait deux volets parce que, si on parle de santé mentale, ce n’est pas juste pour nous, mais c’est pour les gens autour de nous, peu importe ce qu’on fait comme travail, peu importe où l’on est dans notre vie, si on est jeune ou on est plus vieux. La santé mentale, pour moi, j’ai souvent dit, c’est des valeurs, des centaines d’années passées, qu’ils ont divisé la santé physique de la santé mentale parce qu’on parle vraiment de santé, puis, pour moi, mon background aussi m’a donné vraiment de garder la vie holistique de la personne. On prend le physique, le social, puis le mental, on mélange tout ça, puis ça fait les êtres qu’on est.

Quand on apprend sur la santé mentale, un, ça nous informe à mieux nous connaître comme personne, puis ça nous aide aussi à mieux comprendre les gens pour être capables d’être là pour eux, pour être capables de– On n’a pas besoin de tous être des spécialistes en santé mentale, mais, au moins, si on a une certaine sensibilisation, ça nous pousse un peu mieux pour répondre à nos propres besoins, répondre aux besoins des gens autour de nous.

Louis : Ce que j’entends de ce que tu dis, la santé, on parle premièrement de santé. Après ça, ça inclut physique, mental, et cetera. J’imagine qu’un prof, parce que tu es dans le milieu de l’éducation, il doit en voir de toutes les couleurs dans son milieu. Ça serait quoi, on va commencer comme ça, un conseil ou des conseils que tu aurais le goût de donner au prof qui se retrouve jour après jour devant ses élèves?

Annick : Combien de temps est-ce qu’on a? [rires]

Louis : Vas-y, je t’encourage. [rires]

Annick : On peut commencer avec de petites conversations quand on parle au personnel scolaire. En gros, souvent, c’est ça qu’on fait. Comme on a dit, c’est la santé, alors qu’un élève nous arrive parfois, il n’a pas bien dormi le soir d’avant, ça peut être aussi simple que ça. Peut-être qu’il n’a pas dîné, il n’a pas déjeuné le matin ou peut-être qu’il a eu une peine, il y a quelque chose qui est arrivé dans sa vie le soir d’avant. Comme ça peut être pour les élèves qui vivent de grandes situations, soit familiales, soit sociales, soit psychologiques.

C’est vraiment de s’assurer qu’on est premièrement prêt à parler ou à remarquer des choses au niveau de la santé mentale parce qu’on n’est pas tous des spécialistes en santé mentale, puis ce n’est pas ça, l’attente. On sait qu’en salle de classe les gens sont des éducateurs, ils accompagnent les élèves, mais quand on parle de santé mentale, il y a une certaine préparation que l’on doit faire pour : Est-ce que je suis même prêt ou prête à remarquer ces choses-là? Ce n’est pas toujours évident. Les gens ne sont pas toujours à l’aise. Santé mentale, ça fait, des fois, peur, on ne veut pas dire les mauvaises choses.

La première partie, c’est vraiment d’avoir des conversations avec le personnel scolaire pour avoir la préparation avant : où est-ce que je suis, moi, comme personne, pour remarquer? Est-ce que je connais les ressources? Est-ce que je suis une personne prête à faire tout ça?

Louis : Je t’interromps parce que, déjà, dans ma tête, ça dit : est-ce que c’est naturel, justement, d’être aux aguets? Peut-être que je veux être aux aguets, mais je ne sais pas quels indices je devrais regarder.

Annick : Pour certaines personnes, c’est très naturel. Peut-être dans la façon qu’on a grandi avec nos parents, peut-être des cours qu’on a pris, des spécialités qu’on a étudiées ou des livres qu’on a lus. D’autres personnes ont le cœur, mais ils ne savent pas le comment, ce qui est complètement normal parce que, des fois, on n’a pas toujours été dans des situations où on a eu à faire ça.

Après ça, tu as des gens qui ne sont peut-être vraiment pas à l’aise. Ils savent qu’ils ne sont pas à l’aise. C’est de s’assurer qu’on répond aux besoins de tous pour savoir où ils sont comme personne, comment prêts ils sont, puis l’ouverture. Parce que les gens, il faut aussi qu’ils regardent à leur propre biais. Ils ont peut-être des vécus comme personnel enseignant en lien avec la santé mentale. Peut-être que ça vient les déclencher d’une bonne façon ou, des fois, ça peut être négatif aussi. Il faut s’assurer de tenir ça en compte pour nous-mêmes et pour les gens avec qui on travaille.

Louis : J’entends ce que tu dis, c’est : je dois me connaître. Comme ça, je sais que, si je vois une situation X, Y, Z, comme tu dis, peut-être un vécu de moi ou mon entourage, être conscient de comment je réagis pour pouvoir mieux réagir et être mieux à l’écoute des élèves ou des personnes autour de moi.

Annick : C’est ça, oui. C’est comme toute chose. Si on n’a jamais parlé de racisme dans notre classe ou si on n’a jamais parlé des désastres naturels, il y a des choses, on le sait que l’on va être peut-être à l’aise ou peut-être moins à l’aise à en parler, ou peut-être que l’on ne connaît rien sur le sujet, puis on veut vraiment s’assurer que– Je pense que la préparation veut dire beaucoup, puis à cause que c’est la santé, santé mentale, c’est un volet personnel parce qu’on a tous une santé mentale. On est tous sur le continuum de la santé mentale.

Il y en a qui sont peut-être à un extrême parce que tout va bien. Après ça, tu as d’autres gens qui sont à l’autre bout de l’échelle parce que, soit ils ont du vécu, soit qu’ils ont un diagnostic ou peu importe. La santé mentale, des fois, je ne veux pas dire, fait peur, mais les gens sont peut-être moins à l’aise parce que ça vient nous toucher de quelque façon, peu importe. Comme j’ai dit, on a tous une santé mentale, puis c’est vraiment de–

Des fois, comme adulte aussi, on se connaît, mais, des fois, on ne se connaît pas entièrement. Mon objectif dans ma propre vie personnelle, c’est de toujours continuer à apprendre qui je suis. On est tous sur ce cheminement-là. La santé mentale, comme autres sujets, on va s’en tenir à la santé mentale aujourd’hui, mais il y a d’autres sujets qu’on pourrait dire que les gens sont comme : « Je ne suis pas tout à fait prêt ou prête de me sensibiliser encore plus sur ce volet-là ou sur un autre. » Je pense que c’est important que les gens prennent vraiment le temps à se situer dans tout ça avant de–

Louis : Tu dis : « se connaître », mais, en même temps, on change dans la vie.

Annick : Oui, définitivement.

Louis : Il y a des situations qui arrivent dans notre vie qui font en sorte que j’évolue, je ne suis plus pareil, et cetera. Là, j’ai la grande question existentielle que je vais te poser : Selon toi, est-ce que le monde enseignant ou de l’éducation, en Ontario, on est en bonne santé mentale?

[rires]

Annick : Ça, c’est une question.

Louis : [rires] De façon générale.

Annick : Je ne veux pas me positionner pour mettre mon opinion là-dessus, mais ce que je peux dire, ce que je suis confiante à dire, puis ce qui me plaît beaucoup comme personne qui est passionnée par la santé mentale, c’est qu’on parle maintenant de la santé mentale. Je ne pensais jamais, dans ma carrière, que le sujet serait si sur le bout de nos lèvres, sur le bout de notre langue parce que 10, 15, 20, 25 ans passés, ce n’était pas du tout le cas.

Louis : C’était tabou.

Annick : Oui, c’était tabou, ça faisait peur. On associait plus santé mentale avec maladie mentale. Il y a encore de la stigmatisation, ce n’est pas parti, mais je trouve que– Pour revenir à ta question, je ne suis pas en train d’éviter la question, je trouve que, si les gens sont moins bien, je pense qu’il y a une meilleure chance que les gens puissent en parler avec quelqu’un, puissent accéder à des services. On a maintenant des lignes d’écoute pour les enfants comme pour les adultes, qui n’existaient pas avant. On en avait peut-être une pour–

Il y a des lignes d’écoute, de thérapie, il y a des lignes d’écoute de prévention de suicide. C’est beaucoup plus connu. C’est vrai que le monde– Encore une fois, je pourrais parler du monde de santé parce que j’ai travaillé dans un hôpital, j’ai grandi dans une famille avec des infirmières. Maintenant, dans le monde scolaire, tout le monde vit des moments difficiles avec tout ce qui se passe dans notre société, les demandes sont très élevées.

Si on parle du monde scolaire, ça a changé depuis même que moi, je suis ici. Je ne suis pas pédagogue dans le sens pédagogique, littératie mathématique. Ce n’est pas moi. Juste, depuis que je suis au conseil, on voit que les demandes sont élevées. Ça met un poids sur les épaules de plusieurs personnes, ce qui a, en bout de ligne, un impact sur ce qui se passe en salle de classe.

Ce qui est important à se rappeler, c’est qu’on en parle. Je me dis, les gens, s’ils souffrent ou s’ils ont des journées plus difficiles que d’autres, ça me rassure que l’accès est un peu plus accessible. Ce n’est pas des temps faciles qu’on vit. Chaque décennie, on a toujours des choses qui se passent dans le monde qui rendent–

Louis : Des défis.

Annick : Des défis, le stress, l’anxiété, tout ça. Ça me rassure qu’au moins on en parle. Je pense que ça aide beaucoup jour à jour.

Louis : Ce que j’entends de ce que tu dis, c’est qu’on est maintenant peut-être un peu plus à l’aise au moins d’entendre les mots santé mentale et qu’on encourage peut-être plus qu’avant à en parler autour. Est-ce que ça veut dire qu’on a établi un climat dans nos environnements? Je ne sais pas quel adjectif que je peux donner, plus accueillant de situations différentes.

Annick : C’est un début. Je pense que oui. Je pense que l’on a encore un gros chemin à faire, dépendant d’où on travaille, avec qui on travaille, dans quel domaine. Je pense que– J’espère, c’est un souhait plus que je pense. Je suis dans le domaine, alors c’est certain que moi, je parle de santé mentale tous les jours. Quelqu’un qui ne serait pas dans ma position dirait : « Non, qu’est-ce que tu dis là, Annick? »

Si je fais un petit zoom out, je connais des gens dans plusieurs carrières, de différents endroits, surtout au monde scolaire, je suis dedans tous les jours. J’ai de vraiment belles conversations avec des directions, des enseignants, des techniciens en éducation spécialisés, de petits personnels de soutien. Les gens sont ouverts. Je suis une personne de santé mentale; alors, c’est certain qu’ils se sentent à l’aise peut-être de m’en parler, puis je le vois. En même temps, je ne sais pas si l’on aurait eu les mêmes opportunités, comme je disais, dans le passé, avoir toutes ces conversations-là plus facilement.

Ce n’est pas évident pour tout le monde, ce n’est pas le cas pour tout le monde, c’est pour ça que je n’aime pas généraliser, mais je pense qu’il y a plus d’opportunités maintenant d’entendre parler de santé mentale, puis il y a plus d’opportunités maintenant d’apprendre et de poser des questions.

Louis : Si, demain matin, on te disait : « Annick, tu as toutes les ressources, tu peux prendre n’importe quelle décision », ça serait quoi ton premier geste que tu ferais, tu dirais : « On s’en va là. »? Qu’est-ce que tu ferais?

Annick : Pour le personnel enseignant?

Louis : Le monde de l’éducation.

Annick : Un gros souhait, ça serait– J’ai beaucoup de souhaits, mais le souhait qui me vient tout de suite à l’idée, parce que ça fait des années que j’en parle, c’est d’inclure des cours au bac ou aux sciences de l’éducation sur–

Louis : À la faculté d’éducation.

Annick : La faculté, c’est ça. Je cherchais le mot. La faculté d’éducation pour parler du développement du cerveau, parler de tout ce qui se passe au niveau de la santé mentale en milieu scolaire. C’est des choses que les gens, une fois gradués, arrivent dans nos écoles, puis n’ont pas nécessairement entendu parler. Moi, je n’ai pas fait la faculté d’éducation. Je ne suis pas enseignante, mais je pose souvent la question : « Est-ce que vous avez pris des cours de développement du cerveau? Est-ce que vous avez pris des cours au niveau du développement de l’enfant? »

Parce que ma maîtrise, c’était vraiment ça, puis je me dis : « Ça serait tellement bien si– » Une fois que tu apprends à connaître la personne comme être humain biologique, cerveau, tu ne peux pas faire un à-côté d’inclure puis penser à la santé mentale. Je ne dis pas que mes enseignants ne le font pas, ils le font, mais tu me demandes un souhait, ça serait définitivement d’avoir des cours au niveau de la santé mentale pour préparer le personnel à toutes les ressources, puis tout ce qu’on peut mettre en place.

Louis : Ce que j’entends, c’est que ça serait une grande séance de conscientisation, puis d’information au niveau des connaissances, au niveau de–

Annick : Oui, parce que, si l’on peut comprendre quelque chose, on est plus apte après ça à être engagé à essayer d’aider la situation. Si on sait qu’à tel âge le cerveau fait telle chose, puis, à tel âge, le cerveau a eu un épisode traumatique au niveau familial, si l’on apprend ça, on est plus alerte à aller reconnaître, à vouloir mettre quelque chose en place.

Les gens le font, c’est juste qu’ils le font naturellement. C’est certain que, comme lead en santé mentale dans les conseils, on s’assure de former nos gens, mais ça serait tellement bien de le faire même avant. Des fois, on est invité à venir faire des présentations à la faculté d’éducation, mais ça serait vraiment bien si ça ferait partie des cours. Ça serait un souhait.

Louis : Est-ce que tu en as un autre?

Annick : Oui, j’en ai plusieurs autres.

Louis : On va aller jusqu’à trois. Là, c’est le deuxième.

Annick : Un autre qui me vient à l’idée, là, je ne peux pas m’empêcher parce que je suis quand même superviseur clinique, si chaque école aurait accès à des gens en santé mentale– Parce que dépendant des conseils, on a des membres de nos équipes en santé mentale qui sont dans deux, trois ou quatre, cinq écoles. Autant que l’on veut faire de la promotion, de la prévention, puis de l’intervention en milieu scolaire, on n’a pas nécessairement toujours la main-d’œuvre, le financement à le faire partout de façon équitable. On essaye très fort, puis on s’assure de le faire, mais, encore un souhait, si j’avais de l’argent demain matin, ce serait une chose que j’aimerais faire.

Louis : On pourrait avoir plus de ressources humaines?

Annick : Ressources humaines. Encore là, ce n’est pas juste de tout mettre ces défis-là au niveau de l’équipe de l’intervention, mais si tu aurais quelqu’un qui serait dans l’école tous les jours, comme l’enseignante l’est, cette personne-là pourrait développer une relation, pourrait faire partie de l’école. Si elle est là une ou deux fois par semaine, c’est bien, mais elle ne fait pas partie du jour à jour.

Ça revient aux éléments de base de l’humain de bâtir des relations. Si le personnel a de bonnes relations, il se sent en sécurité, il a plus de confiance, il se sent bien, l’accueil est là, les adultes bienveillants, tout le monde se connaît, tu bâtis. Je ne peux pas m’empêcher de mentionner Jean Clinton quand on parle de relations. C’est vraiment la base de : quand un enfant grandit et apprend, si l’on n’a pas les relations en place, alors– Je pense que ça serait important.

Louis : J’ai hâte d’entendre le troisième souhait.

Annick : Troisième souhait. J’étais prise, dans ma tête, j’avais les deux.

[rires]

Louis : Il n’y a pas de problème. Je vais modifier ma question. Là, on parle de façon générale, mais si j’étais un enseignant débutant et que je te rencontrais, ça va être ma nouvelle classe en septembre. Je suis très conscient de mes biais, je veux faire plein de choses, je veux être à l’écoute de mes élèves. Quels seraient les conseils que tu me donnerais de façon précise pour ma classe de quatrième année? On va mettre ça comme ça.

Annick : Il y a plusieurs ressources qui existent. Je m’imagine une nouvelle, ou même une enseignante ou enseignant chevronné qui arrive, il y a tellement de ressources maintenant que, des fois, on se perd dans tout. Je prendrai le temps pour dire : « On va commencer avec– » Tu disais : « Je connais mes biais. », puis tout ça, mais Santé mentale en milieu scolaire Ontario, ils ont préparé l’outil d’autoréflexion sur l’humilité culturelle. Je commencerais avec ça. Souvent, mes formations, je les commence avec ça. On s’arrête, on fait un outil de réflexion pour justement voir ils sont où mes biais vraiment aujourd’hui.

Dans l’outil de réflexion, on parle de santé mentale, on parle de racisme, on parle de 2ELGBTQI+ pour savoir où est-ce que je suis moi, comme personne. Est-ce que je suis une personne qui est ouverte à apprendre sur tel et tel sujet? Est-ce que je suis une personne qui est informée? Est-ce que j’ai des malaises? En tout cas, l’outil prépare la personne à vraiment se situer. Moi, je recommande toujours, c’est bon de le faire chaque année, cet outil-là, parce que, comme on disait au début, notre vie change, on vit des situations, puis c’est toujours bien de refaire un retour.

Il y a d’autres outils qu’on pourrait peut-être– J’aime que la personne– Ça revient aussi à ce qu’on disait, c’est bon qu’on prenne le temps d’apprendre à se connaître, puis de se situer avant de tomber dans les ressources, les stratégies, puis les choses que tu pourrais mettre en place. Après ça, j’essaierais de lui donner le pourquoi : Pourquoi parler d’apprentissage socioémotionnel? Pourquoi être aux aguets des problèmes au niveau de la santé mentale?

J’essaierais de lui donner un peu de contexte, puis ensuite, selon son niveau scolaire, je lui partagerais des ressources. Comme je disais, il y en a plein qui existent, mais j’essaierais de choisir les essentiels pour au moins débuter, pour s’assurer que l’accueil soit fait en début d’année scolaire ou au début de semestre. Il y a différentes ressources qui seraient bonnes pour différents besoins, différentes situations qui se passeraient au courant de l’année. Oui, je pense que c’est avec ça que je commencerai.

Louis : Parce que, quand je t’entendais, je me disais, c’est vrai que je peux être conscient de mes biais, mais je peux avoir des biais sur mes biais, finalement.

Annick : Oui, parce que, des fois– Je peux te donner un exemple.

Louis : Oui, vas-y.

Annick : Deux ans passés, on avait eu une formation sur l’antisémitisme. Dans ma tête, je me disais : « Je pense que je suis connaissante. » Pas beaucoup, mais j’en connais. J’ai lu des livres, j’ai vu des films, je me pensais pas pire. J’étais consciente que je ne savais pas trop, mais– En tout cas, on a eu une excellente formation d’une journée avec une dame. À la fin de la journée, je me suis dit : « Là, Annick, tu ne connaissais pas grand-chose. » On est comme ça dans la vie. Comme moi, je suis une personne très curieuse qui veut toujours apprendre, alors je suis toujours en train d’essayer de comprendre, de lire. Mon sens de curiosité est très fort.

Ça m’a tout de suite fait rappeler à notre outil d’autoréflexion parce que je me disais, si je l’aurais rempli, j’aurais dit : « Pas pire. » Après que j’ai eu la formation, là, je m’aurais comme– Je pense que la santé mentale, c’est à peu près la même chose. Des fois, on pense que l’on connaît ou on pense que l’on ne connaît pas, mais, une fois qu’on embarque dedans, c’est : « Sais-tu quoi? Je suis à l’aise avec ça. » ou « Je suis peut-être moins à l’aise avec ça. » C’est correct, on a tous nos forces, mais si, au moins, on prend le temps d’avoir la réflexion, je pense que c’est gagnant.

[musique]

Louis : Pour écouter la suite de ce balado ou encore pour découvrir les autres épisodes, visitez le site Internet du Centre franco sur Instituts, sous l’onglet Formation. Vous pouvez aussi les retrouver sur Spotify et sur baladopedago.com, un site qui propose une riche sélection de balados éducatifs en français. Enfin, pour découvrir l’ensemble de nos nouveautés, inscrivez-vous à notre infolettre, consultez nos réseaux sociaux ou visitez lecentrefranco.ca.

[musique]

2e partie du balado

Transcription

Annick Morin : Si l’on peut comprendre quelque chose, on est plus apte, après ça, à être engagé à essayer d’aider la situation. Tu sais, si l’on sait qu’à tel âge, le cerveau fait telle chose, puis, à tel âge, le cerveau a eu un épisode traumatique au niveau familial, si l’on apprend ça, on est plus alerte à les reconnaître, à vouloir mettre quelque chose en place.

[musique]

Louis Houle : Bienvenue aux Conversations pédagogiques avec des passionnés! Initiée par le Centre franco, cette série de balados nous présente des professionnels qui excellent en éducation. Au début de la seconde partie du balado avec Annick Morin, elle souligne à quel point elle trouve fascinant d’écouter les gens. Pour elle, il est essentiel de créer un climat propice et des espaces de discussion. Elle cite enfin son père en disant : « Apprendre à connaître des gens, des choses, ça rend le monde plus petit. »

[musique]

Louis : Justement, là, comment est-ce qu’elle fait, Annick Morin, pour nourrir cette quête d’apprentissage? Tu sais, tu viens de dire : « Moi, j’aime ça apprendre. » Comment tu le nourris, chez toi, puis comment on fait pour le nourrir chez nos élèves?

Annick : C’est de créer des opportunités de conversation, de discussion. C’est mettre les cartes à table. Je peux donner un autre exemple. L’an passé, on a fait un sondage auprès des élèves sous Planète Jeunesse, pour les gens qui connaissent Planète Jeunesse par un petit Google, puis ça se trouve. Le sondage s’est fait auprès des élèves de dixième année. Ça leur demande plein de questions sur la consommation ou le sommeil, la situation familiale. En tout cas, ça pose plein de questions.

Puis, moi, je ne suis plus dans les écoles. Je ne suis plus en ligne directe, mais là, le sondage, je me suis dit : « Je vais aller dans les salles de classe, puis je veux aider les travailleurs sociaux et le personnel à administrer le sondage. », puis c’est confidentiel. J’étais arrivée en salle de classe, puis je leur ai dit : « On ne connaîtra absolument pas vos réponses, on ne connaît pas vos noms, puis les gens faisaient tout ça individuellement. » Puis, je dis : « Je ne suis pas ici pour vous juger. » Les élèves nous disaient toujours : « Les stats que vous nous présentez dans nos leçons comme ça. »

« Ce n’est pas les stats du nord Ontario, ce n’est pas– Encore moins que les francophones. » Là, je leur ai dit : « Écoutez, là, vous disiez souvent que nos stats ne sont pas bonnes, mais là, ça va être vos stats, alors soyez le plus honnête possible. » C’est en vue du début : « Okay, cette madame-ci ne va pas nous juger. », puis là, ils posaient des questions pour s’assurer qu’ils comprenaient les questions. En tout cas, à la fin de la journée, de l’heure, au bout de 90 minutes, je pense, que l’on est avec les autres, là, les conversations ont commencé.

Les élèves pouvaient aller à un jeu de basket ou quelque chose qui se passait au gymnase, puis il y en a qui ont dit : « Non, moi, pas de souci, je reste ici parce qu’on veut continuer à en parler. » Comme là, le sondage était fini, les papiers étaient rangés, mais à cause que l’on avait créé un climat de confiance, puis très ouvert, puis on parlait de santé mentale. On parlait de consommation, on parlait des vraies, vraies choses.

Il y a des questions comme : « Est-ce que ton parent sait où est-ce que tu es quand tu pars de la maison? Si quelque chose arrivait dans ta cour, est-ce que tes voisins te connaissent assez pour aller– ». J’exagère un peu les questions, mais c’est des questions qui portent à de belles discussions, en tout cas. On a eu tellement une belle discussion. Moi, j’ai beaucoup appris parce que je dis : « Écoute, là, moi, j’ai besoin de vous entendre, j’ai besoin de savoir qu’est-ce que vous avez besoin dans votre école. »

« Qu’est-ce qui t’aiderait, toi, ou qui aiderait tes amis à parler plus de santé mentale ou à connaître ça? », et ils m’ont donné des suggestions incroyables. J’aurais pu rester là trois heures, puis les élèves ne partaient pas nécessairement. Dernièrement, on a eu les résultats de ce sondage, puis la travailleuse sociale disait : « Ils veulent qu’on retourne là. » Je leur ai dit qu’on retournerait, puis qu’on leur continuera à parler. Pour venir à ta question, c’est de créer des moments d’apprentissage que l’on apprend entre nous autres. On est aussi apprenants avec les élèves qu’eux autres le sont avec nous.

Je pense, c’est comme un aspect thérapeute aussi qui ressort, des fois, dans ça. J’aime parler aux gens, j’aime les écouter pour toujours essayer de comprendre, oui, pour les guider, mais aussi pour moi parce que plus que j’apprends, plus que j’apprends à me connaître aussi dans tout ça. Là, je pense à mon père, comme tu sais, ça rend le monde plus petit.

Louis : Ça rend le monde plus petit. Okay, il faut que tu m’expliques ça.

Annick : Parce que, si l’on apprend à connaître des gens, puis on apprend à connaître plusieurs sujets, des choses que l’on est moins à l’aise, des choses que l’on est à l’aise, des choses que l’on ne connaît pas rien du tout, des choses que l’on connaît beaucoup, puis on en parle avec les gens, on a un sens d’appartenance. On peut avoir de belles discussions. Je ne suis plus la madame qui est allée en salle de classe. Quand je dis : « Le monde plus petit. », c’est que, là, tout à coup, on est un groupe qui se partageait des choses, qui apprenait un de l’autre.

On n’était pas juste des élèves avec une personne qui parle en avant. Ça crée comme un sens de– Là, j’étais un peu philosophique dans ma réponse.

Louis : Non, mais c’est carré.

Annick : Ça crée le sens d’appartenance, le sens de société sociale. L’être humain, c’est comme ça qu’on vit. On est un être social, puis quand qu’on apprend l’un de l’autre, il peut juste y avoir de belles choses qui vont arriver.

Louis : Ce que j’entends, c’est : ça rapproche les humains.

Annick : C’est ça.

Louis : Quand tu dis : « Le monde est plus petit. », ça faisait moins loin, plus proche. Si je suis conscient de ce que tu vis, puis tu es conscient de ce que je vis, peut-être qu’on a des chances de pouvoir juste avoir pris le temps de s’écouter. Ça, c’est déjà un gros morceau. Puis, après ça, peut-être qu’une question que je t’ai posée ou une question que tu m’as posée fait en sorte que je peux continuer à cheminer, puis ça va me faire grandir.

Annick : Exactement.

Louis : C’est bien beau, ça. [rires]

Annick : L’exemple parfait, c’est la conversation qu’on vient d’avoir. Tu m’as posé une question, puis là, en se parlant, on apprend autre chose. Moi-même, si c’est moi qui parle ou toi qui parles, c’est ça la beauté. C’est pour ça, pour venir à la santé mentale, c’est ça que je trouve tellement passionnant, la santé mentale, puis le cerveau, c’est que ça nous permet d’apprendre, de grandir comme personne, de grandir comme communauté.

Louis : Là, j’aurais le goût de te poser la question de toi, pour arriver à ce cheminement-là, tu as mentionné le nom de ton père. As-tu des modèles, des gens dans ton entourage ou tu t’es forgée toute seule à côté d’une roche ou quelque chose? [rires]

Annick : Non, je dirais définitivement mes parents. Ma mère, c’est une personne extrêmement curieuse qui connaît– J’ai toujours dit qu’elle était comme une encyclopédie, mais qui marchait pour les gens qui se souviennent, c’est quoi des encyclopédies. C’était une personne très très curieuse. Mon grand frère est très très curieux. Côté de ma mère, c’est des personnes très très curieuses. Mon père, c’est une personne qui a vécu beaucoup. Il est allé vivre en Inde. Il a eu plein d’expériences de vie. Puis lui, il dit toujours : « Ça rend le monde plus petit. »

Le plus que l’on apprend, comme tu l’as bien résumé, c’est que l’on vient à comprendre mieux les autres. Les racistes, chez nous, à cause de mon père qui avait vécu ailleurs, même la santé mentale comme c’était, on a grandi en sachant qu’on n’est pas tous pareils, c’est correct. On est là pour aider les autres, puis qu’est-ce qu’on peut faire pour faire notre place dans le monde? C’est vraiment ça, cette philosophie-là que j’ai grandi avec. En grandissant, j’ai vraiment continué ce cheminement-là. J’ai travaillé avec un psychologue qui était à l’école de façon plus pédagogique.

J’étais en sociologie, en psychologie. On a eu de belles discussions avec nos profs en soirée. Tu as de vraies discussions philosophiques qui nous amenaient tellement partout dans les conversations. J’ai travaillé avec un psychologue dans une vue très holistique de la personne. On regardait la nutrition, on regardait le neurodéveloppemental. Ça a nourri ma soif de l’être humain, puis du développement du cerveau, puis qu’est-ce qu’on est capable de faire avec, qu’est-ce que l’on connaît, qu’est-ce que l’on ne connaît pas.

J’ai été chanceuse. Je me considère chanceuse dans mon parcours parce que j’ai toujours été curieuse, puis j’ai toujours voulu apprendre des autres. Mes collègues qui travaillaient plus au niveau des dépendances, des gens qui travaillaient plus au niveau des évaluations familiales. En tout cas, c’est fascinant d’écouter les gens, leurs histoires, puis après ça, de voir comment est-ce que toi, tu peux apprendre de tout ça.

Louis : Si on est capable de développer cette capacité d’écoute, puis favoriser ça chez l’autre, parce que là, je pense au prof-là dans sa classe, d’être capable de– Il y a quelqu’un, un jour, qui avait dit : « On a une bouche et deux oreilles, donc on devrait écouter deux fois plus. » Ça m’avait resté parce que, si on est capable– D’écouter, des fois, c’est d’être capable de saisir ce qui se passe vraiment. Je donne toujours l’exemple, comme direction d’école, j’accueillais un parent qui est en colère.

J’essayais toujours de savoir c’était quoi son vrai message en dessous parce que la colère, c’est le symptôme de quelque chose. Souvent, le message, c’était : « J’aime mon fils, ma fille, puis je vois que ça ne va pas bien, puis j’ai besoin d’aide. Je ne sais pas quoi faire. » Cette capacité d’écoute, je trouve que c’est tellement important. En même temps, et là, je vais agrandir un petit peu notre conversation, mais est-ce qu’on a le devoir aussi d’améliorer nos lieux physiques? Est-ce que les lieux physiques ont un impact sur la santé mentale des gens, tu penses?

Annick : Moi, je dirais définitivement. Il y a certains milieux que l’on n’a pas le choix, mais ça peut être, des fois, les murs, puis les chaises, définitivement. Si tu crées une ambiance plus relax ou plus solide là où l’énergie de la salle va varier, c’est certain, mais il y a aussi, dans les milieux scolaires, on parle souvent de climat. C’est le climat de la salle parce que le climat peut inclure l’espace physique, les chaises, mais c’est aussi comment tu te sens quand tu rentres, l’accueil que tu reçois.

On est au comité consultatif des élèves au conseil, puis l’an passé, il y a un élève qui avait dit : « Quand on arrive dans une salle de classe, l’enseignant ne va pas tout de suite mettre des diapos au tableau ou il va mettre quelque chose au tableau, puis là, la conversation part, puis part en tangente. On continue à apprendre, mais c’est vraiment une discussion. » Ce n’est pas juste comme qui disent l’enseignement magistral, puis ça revient, puis on écoute. Alors, ça revient comme si c’est ton espace physique, mais aussi ton espace de climat.

Le sentiment que tu as quand tu rentres dans une salle de classe, il y a des enseignants qui sont très conscients de qu’est-ce qui ne va pas. Il y en a d’autres, c’est naturel. Tu le ressens, les élèves le ressentent, leurs collègues le ressentent, mais ça s’apprend aussi, tout ça. C’est des choses que, moi, je peux être moins à l’aise, c’est m’assurer que ma classe à l’air comme ci– C’est des choses que, si l’on en parle, si l’on fait des actions intentionnelles pour améliorer quelque chose, c’est des habiletés que l’on peut apprendre ou c’est littéralement des choses physiques que l’on peut changer.

Je dirais que oui, mais, en même temps, tu peux avoir une salle bien bien blanche et 4 chaises, puis tu peux quand même avoir des conversations, puis un apprentissage, puis ça aussi.

Louis : Je suis complètement d’accord avec toi parce qu’il y a un grand chercheur qui a fait une recherche, puis qui a dit que le facteur numéro 1 qui influence, c’est la personne prof dans la classe. Tu peux te retrouver dans un endroit très peu de ressources, très peu de ci, beaucoup de ça, et cetera, puis on met tous les adjectifs. La plus grande différence, c’est la personne qui est là, qui va influencer finalement, parce que les gens disent : « Oui, mais si j’ai un plus petit groupe, je–. »

Oui, ça a de l’effet. On ne dit pas que ça n’a pas d’effet, mais l’effet numéro 1, c’est la personne.

Annick : Puis, la relation qu’elle a avec les gens, oui, définitivement.

Louis : Qu’est-ce que tu dis aux parents quand tu les rencontres? Là, on a parlé des profs. Est-ce que les parents ont un rôle, puis c’est certain, là, qu’il y a encore cette question d’écoute, puis d’être attentif à ce que ton enfant vit et tout, mais as-tu des particularités? As-tu des messages que tu dis aux parents qui sont un petit peu différents des profs?

Annick : Les parents, c’est vraiment de connaître leurs besoins. Ça ne sert à rien– Tu peux être en conversation, tu as tout, le parent qui arrive, qui est en colère, qui partage sur tels autres. On sait qu’il y a quelque chose en dessous qui essaie vraiment de dire, mais c’est peut-être quoi exactement ça. Pour les parents, c’est toujours essayer de comprendre leurs besoins ou le besoin de leur enfant. Je ne parle pas souvent à des parents parce qu’encore une fois je ne suis pas dans une école directement, mais c’est de bien comprendre.

Puis, aussi leur faire sentir comme qu’on est là pour eux, puis qu’on veut comprendre parce qu’on veut s’assurer que l’on met les choses en place, puis que l’on veut qu’eux autres aient les ressources qu’ils ont besoin ou si les autres, on ne peut pas offrir la ressource ou le service ou quoi que ce soit. C’est vraiment d’avoir une conversation. Ça revient à la conversation d’écoute active. Ça revient à la relation, ça revient à tu veux que la personne se sente à l’aise, confortable, pour éventuellement dire les vraies choses.

Tu commences à dire, tu es là avec le parent, mais c’est aussi, des fois, ce genre de conversations-là que l’on va avoir avec le parent pour que le parent mette ça en pratique avec son enfant, des fois. Aussi parce que les ados ou les enfants, le comportement, la colère ou ces choses-là, c’est comme tu dis des symptômes, mais la vraie chose, comme souvent on le compare à un glacier, un iceberg. On voit la colère, c’est le top, mais c’est le dessous que l’on a besoin. C’est de s’assurer que l’eau est assez calme pour établir un bon climat, une bonne conversation, une bonne confiance.

Ce sentiment de sécurité par rapport à ça. Aller voir qu’est-ce qui se passe vraiment.

Louis : Des fois, en même temps, je l’ai vu souvent, ça permet souvent un cheminement de tout le monde.

Annick : Oui, définitivement.

Louis : On parle du parent, mais peut-être de la direction d’école, peut-être du prof, peut-être de l’enfant, tout le monde chemine. Si l’on a mis les bonnes conditions, puis qu’on était à l’écoute parce qu’on a vu certaines situations. En tout cas, moi, j’en ai vu où est-ce que– Okay, on est au point A. Comment on fait pour arriver au point B, tout le monde qui est ici? Le temps avance très vite, puis je sais que, quand on s’est parlé pour préparer ce balado, je t’ai posé la question.

J’ai dit : « Est-ce que tu pourrais nous parler d’une ressource que tout le monde devrait connaître quand il est question de santé mentale? »

Annick : Oui, c’est ça. J’en ai tellement, puis j’essayais de– [rires] Je dois dire que depuis 2010, 2011, 2012, je ne sais plus trop, Santé mentale Ontario, pour le milieu scolaire. Évidemment, c’est dans leur type, mais ils ont développé tellement de ressources pour le personnel enseignant, pour le personnel scolaire, pour les directions. Alors, juste se rendre dans leur site, c’est une ressource incroyable.

Louis : Il s’appelle comment, le site?

Annick : Si tu mets juste « Santé mentale milieu scolaire Ontario », je pense, c’est smho-smso.ca, c’est School Mental Health Ontario, trait d’union–

Louis : Santé mentale Ontario éducation.

Annick : C’est ça. Il y a une panoplie de ressources. Durant notre conversation, aujourd’hui, comme il y en a deux peut-être que je dirais qui ressortiraient. Tu me dis non, mais je vais tricher.

Louis : Vas-y.

Annick : Seule une, je l’ai déjà mentionnée, mais c’est l’outil d’autoréflexion sur du multiculturel. Je pense, ça vaut vraiment le coup, que tu sois un nouvel enseignant chevronné, que tu l’aies déjà fait, c’est une ressource que je trouve importante qui est disponible sur leur site. Puis, encore là, c’est l’outil d’autoréflexion. Puis, après ça, si tu n’es qu’un enseignant en salle de classe, une ressource qui est sortie récemment dans la dernière année, je dirai à peu près, là, c’est la boussole.

Ça, je n’en ai pas parlé jusqu’à date, mais la boussole– J’ai pensé à une autre idée. Tantôt, tu me disais mes trois idées si j’aurais plein d’argent, là, ça fait le lien avec la boussole. Si je peux faire un petit retour?

Louis : Oui, vas-y.

Annick : Mon troisième souhait, ça serait qu’on ait des cours en santé mentale, de littératie en santé mentale, maintenant, en septième, en huitième, dans le cadre de l’éducation physique. C’est mandaté, ça s’est fait, puis c’est en œuvre depuis deux ans. Cette année, on a maintenant des leçons mandatées pour le cours de GLC2O. J’oublie que c’était un cheminement de carrière civisme en 10ᵉ année. Mon souhait, ça serait qu’il y aurait une composante d’apprentissage socioémotionnel et littératie en santé mentale à tous les niveaux scolaires.

Je me dis que ça s’en vient, puis ça va être réalisé, mais si j’aurais de l’argent ou l’univers me fournirait les ressources pour faire ça. Qui revient à la boussole, c’est que la boussole, ça permet aux enseignants– C’est comme un one-pager, mais c’est vraiment une coupe de pages. C’est pour chaque niveau scolaire, il y a des activités propres à l’apprentissage socioémotionnel que tu peux intégrer dans ta journée. Le premier mois commence en septembre, il y a d’autres activités pour octobre, novembre, pour tous les mois de l’année. C’est très riche.

Les liens sont déjà tout brossés à l’intérieur de la page parce qu’il y a tellement de ressources, mais je trouve que la boussole, au moins, t’aligne avec de l’essentiel. Tu as des ressources comme toi, comme enseignant, tu as des ressources à livrer en salle de classe. Il y a les liens aux programmes COOP qui peuvent se faire. C’est vraiment bien comme ressource. Si je serais enseignante, je voudrais avoir ça entre mes mains.

Louis : Ça, ça se retrouve aussi sur le site que tu as mentionné tantôt?

Annick : C’est ça, oui.

Louis : La prochaine question, c’est une de mes préférées. C’est : où est-ce que je te dis un mot ou deux, et toi, tu me dis deux phrases par rapport à ce mot-là. Okay?

Annick : Okay.

Louis : Le premier mot : guérir.

Annick : Guérir. Je dirais, comme prendre le temps que l’on a besoin. De ne pas se comparer. On a parlé beaucoup d’apprendre à se connaître. Puis, quand on vient à guérir, on le fait tous à un rythme différent. Puis, il faut être bon sur nous. Il faut être patient envers nous-mêmes et envers les autres pour être capable de se permettre à prendre le temps que l’on a besoin pour guérir.

Louis : Okay. Prochains mots : enfant de 4 ans.

Annick : Je dirais, éponge. C’est tellement important. Ça me ramène à quand je me rends dans les écoles pour– Là, je sais que c’est plus que deux phrases, mais quand je me rends dans les écoles pour les sessions de bienvenue à la maternelle. Quand on accueille, puis pour les parents qui s’en viennent, ils sont tous excités. Les parents sont excités, les enfants sont excités. On parle de qu’est-ce qu’on fait dans les écoles, le niveau d’apprentissage socioémotionnel. On parle de la fréquentation scolaire, puis comment c’est important d’être présent à l’école.

Les recherches démontrent, la fréquentation scolaire, c’est tellement important de l’apprendre à un bas âge. Je me dis : à 4 ans, si l’on est capable d’incorporer l’apprentissage émotionnel, puis l’engagement scolaire dès l’âge de 4 ans, comme les belles choses que cet enfant-là va pouvoir grandir avec pour le restant, son cheminement. C’est des habiletés que l’on ne perd pas. Si l’on parle d’émotions, si l’on parle de– On fait maintenant une lecture d’un livre, pas à la petite enfance, mais je dirais comme au cycle primaire. Sur le cerveau, puis les parties du cerveau, puis pourquoi c’est important, puis comment bien nourrir notre cerveau.

4 ans, c’est ça, les possibilités–

Louis : –sont infinies.

Annick : –qu’une personne peut apprendre, peut s’outiller, bâtir sa boîte à outils pour garder ça pour le restant de sa vie.

Louis : C’est un beau deux phrases. [rires]

Annick : Peut-être 22.

Louis : Ce n’est pas grave. Prochains mots : un élève de 15 ans.

Annick : 15 ans. J’adore l’âge de– Comme thérapeute, je reviens au cerveau. Comme le cerveau est totalement différent de place que 4 ans, ça revient à la patience, comme les adultes. Les choix qu’ils font, le questionnement, la curiosité qu’ils ont, c’est correct parce que le cerveau pousse, part en avant, puis essaie de grandir, puis il ne sait pas par où se garrocher. L’âge de 15 ans, c’est important de leur donner des opportunités, de parler de leurs opinions. Je pense à notre comité consultatif, c’est à peu près probablement l’âge moyen.

Je pense à notre sondage que l’on a fait l’an passé, c’était à peu près à cet âge-là. Ils ont quelque chose à dire, ils veulent le dire, puis il faut leur donner les opportunités à le faire.

Louis : Le dernier mot. Un mot que tu aurais aimé que j’inclue dans la liste pour que tu commentes.

Annick : Le mot que je choisirais avec la conversation que l’on a eue aujourd’hui, je choisirai le mot moi. Pas moi dans le sens « Annick », mais moi dans le sens de la personne qui écoute. Dans mes années de thérapie, dans mes années comme maman, c’est souvent les conversations que j’ai avec mes enfants. C’est tellement important de savoir et d’être curieux de mon vrai moi. De connaître, puis de faire confiance à mon moi.

Quand on parle de santé mentale, quand on parle de personnel enseignant, quand on pense à nos élèves, si l’on est capable, comme adultes, de prendre le temps de réfléchir à notre vrai moi, si l’on remet cette soif de curiosité-là aux élèves pour qu’eux autres aussi aient la soif, puis d’être conscients, puis d’avoir des intentions d’apprendre leur vrai moi, je pense que l’on ouvre les opportunités aux gens de juste se sentir mieux. Puis, vraiment, c’est ça que l’on veut. On veut que les gens soient bien.

On veut que les gens aient les opportunités qui développent leur plein potentiel, qui apprennent ce qu’ils ont besoin d’apprendre. Qu’ils vivent de belles choses, qu’ils vivent de moins bonnes choses, mais qu’ils ont les outils pour s’en sortir. Si je reviens au moi, je pense que c’est là que ça peut commencer.

Louis : On arrive à la fin, mais là, je ne sais pas qu’est-ce que tu vas dire parce que je trouve que ce que tu viens de dire, c’était une excellente conclusion pour aujourd’hui pour le balado, mais je te pose quand même la question : Qu’est-ce que tu pourrais nous dire après cette discussion que l’on a eue ensemble? Qu’est-ce que tu aurais le goût de dire à titre de conclusion de ce balado?

Annick : La santé mentale me passionne, comme si ça vient me chercher creux creux. J’ai toujours envie d’en parler d’une façon pour que les gens, pour qu’on puisse avoir des partages. J’espère vraiment que le balado, la conversation que l’on a eue, qui nous a amené plein de tangentes, que probablement on n’avait même pas l’intention, mais c’est ça, la beauté, je pense. Que j’espère que si vous avez pris le temps d’écouter, c’est que ça vous a juste amené quelque part, à réfléchir.

Il y a peut-être des morceaux qui étaient moins pertinents pour vous, mais si ça peut apporter à une réflexion, puis un petit cheminement dans vos réflexions quand on parle de santé mentale, de bien-être, quand on parle de milieu scolaire, ça serait ça, mon souhait. Comme moi, j’aime réfléchir, puis j’aime faire les autres réfléchir, alors j’espère vraiment que notre conversation-là va avoir permis ça aux gens.

Louis : Aujourd’hui, j’ai eu le bonheur et le plaisir d’être en conversation avec Annick Morin qui, je vous rappelle, est leader en santé mentale au Conseil scolaire catholique Franco-Nord. Annick Morin, merci beaucoup.

Annick : Merci beaucoup.

[musique]

Louis : Merci d’avoir pris le temps d’écouter ce balado. Pour avoir accès aux autres épisodes, visitez le site Internet du Centre franco. Vous pouvez aussi les retrouver sur Spotify et sur baladopedago.com, un site qui propose une riche sélection de balados éducatifs en français. Enfin, pour découvrir l’ensemble de nos nouveautés, inscrivez-vous à notre infolettre, consultez nos réseaux sociaux ou visitez lecentrefranco.ca.

[musique]